La Russie et l’Europe face au « printemps arabe »

La Russie et l’Europe face au « printemps arabe »
En Syrie

Début janvier 2011, alors que
l’étincelle allumée par les événements de Tunisie commençait à provoquer
les premiers incendies en Égypte, au Yémen et au Bahreïn, un
ambassadeur d’un pays européen me prit à part lors d’une réception
diplomatique et me demanda, en triturant un bouton de ma veste : «
Pourquoi la Tunisie ? ».

Son visage exprimait une perplexité sincère face à la logique perfide
d’une Histoire qui refusait de distinguer les « bons » dictateurs des «
mauvais ». À vrai dire, j’ai moi-même du mal à comprendre, aujourd’hui
encore, pour quelle raison le tsunami qui allait rapidement recouvrir
une bonne moitié du monde arabe est né précisément en Tunisie, un pays
tout à fait pro-occidental et relativement prospère à en juger par ses
principaux indicateurs.
Ce qui nous conduit à une réflexion à première vue banale mais, en
réalité, fondamentale. Le « printemps arabe », rapidement rebaptisé «
automne » puis « hiver » arabe, est un phénomène imprévisible par
nature. Il obéit à ses propres règles, qui échappent parfois à
l’analyse. L’irruption de la démocratie au Proche-Orient a pris tout le
monde par surprise, de la même façon que les fortes chutes de neige
enregistrées à Jérusalem cette année-là. À priori, chacun savait que
cela pouvait se produire ; mais les personnes et organisations
compétentes, y compris les services météorologiques et diplomatiques, se
sont montrées incapables de prédire que des congères allaient
temporairement paralyser toute activité.

En Occident, le « printemps arabe » a été perçu comme une
victoire de la démocratie ; en Russie, comme une victoire de l’Occident

En deux ans, le « printemps arabe » a apporté de nombreuses
surprises. La plus importante d’entre elles, mais pas la seule, est
l’arrivée en force des islamistes sur la scène politique. En Égypte,
déjouant tous les pronostics, ils ont réussi avec une facilité
déconcertante à écarter du pouvoir les militaires et à faire adopter par
référendum une constitution fondée sur la charia. S’ils remportent les
prochaines élections législatives – ce qui est très probable – , il
faudra admettre que les islamistes se sont fermement installés au
pouvoir au Caire, et donc dans le monde arabe dans son ensemble.

Tâchons d’y voir plus clair…

Le « printemps arabe » n’a pas suscité la même interprétation à
Moscou et dans les chancelleries occidentales. En Occident, il a été
perçu comme une victoire de la démocratie ; en Russie, comme une
victoire de l’Occident. C’est compréhensible : depuis la fin de la
Guerre froide, l’Occident et la Russie jouent des rôles distincts dans
le processus de reformatage du monde : schématiquement, l’Occident «
démocratise » et la Russie « se fait démocratiser ». D’où des réactions
fort différentes aux événements complexes du « printemps arabe » par
l’éclatement, dans les pays frontaliers, de « révolutions de couleur »
soutenues plus ou moins ouvertement par des forces extérieures. C’est
pourquoi dès mars 2011, après le début de l’intervention armée de l’OTAN
en Libye, la Russie s’est fermement prononcée contre toute tentative
d’imposer la démocratie par la force, y voyant non seulement la
manifestation d’une concurrence déloyale sur les marchés du
Proche-Orient mais aussi une nouvelle illustration des « doubles
standards » qui compromettent le choix démocratique en tant que tel.

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Le « printemps arabe »

Dès les premiers frémissements du « printemps arabe », la Russie a
affirmé que le dialogue était le seul moyen acceptable de régler les
conflits. Plus que cela : avant les excès de la guerre civile en Libye,
la direction (et à fortiori l’opinion publique) russe souhaitait éviter
tout conflit avec l’Occident sur une question aussi délicate que la
transformation démocratique du Proche-Orient. De même que la Chine,
l’Inde, le Brésil et l’Allemagne, la Russie s’est abstenue lors du vote
de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU sur
l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » en Libye. Mais
l’Amérique étant sur le point d’entrer en campagne électorale, Barack
Obama avait besoin d’un succès rapide et indiscutable au Proche-Orient.
Quant aux Européens, aspirés dans cette situation moralement
contestable, ils ont vu resurgir leurs vieux réflexes colonialistes
datant de la lutte pour le pétrole de la Cyrénaïque. Résultat : la Libye
a eu droit à une guerre civile de grande ampleur doublée d’une
intervention extérieure, et la Russie a dû fermement mettre les points
sur les « i » et faire part de son refus catégorique de voir un
changement de régime se produire suite à une ingérence étrangère.

Les Européens, comme le cas libyen l’a récemment illustré
de manière éclatante, font souvent passer les considérations relatives à
leur responsabilité internationale

Le fait qu’à l’automne 2011 la Russie soit à son tour entrée dans un
cycle électoral a également influé son attitude. Les enjeux de sa
polémique avec l’Occident et avec son opposition intérieure ont
augmenté. Dans un article programmatique intitulé « La Russie est un
monde qui change », Vladimir Poutine commença par rappeller que les
sympathies des citoyens russes allaient à ceux qui luttaient pour des
réformes démocratiques, avant de critiquer avec virulence le soutien
offert par la coalition occidentale à l’une des parties au conflit
libyen. Condamnant le meurtre « même pas moyenâgeux, quasiment
préhistorique, de Kadhafi », il a durement mis en garde l’Occident
contre une « continuation de la déstabilisation du système de sécurité
internationale dans son ensemble » qui, selon lui, ne manquerait pas de
se produire en cas d’ingérence militaire en Syrie sans mandat du Conseil
de sécurité de l’ONU.
Comme on pouvait s’y attendre, cet exposé abrupt de la posture russe,
tout à fait dans l’esprit du « discours de Munich » en 2007, a provoqué
des réactions nerveuses à l’extérieur comme à l’intérieur du pays (de
la part des membres d’obédience libérale de la « classe créative »
russe). La Russie de Poutine, déplorait-on, refusait une fois de plus de
prendre place aux côtés de la communauté démocratique. Il était
pourtant évident que la « Russie de Poutine » n’allait pas se ranger à
des décisions prises sans qu’elle ait eu son mot à dire. Bien sûr, il
serait partiel, voire hypocrite, de présenter le rapport de Moscou au «
printemps arabe » exclusivement comme une réaction aux « doubles
standards » pratiqués par l’Occident. De même que l’Occident, la Russie
s’est très pragmatiquement adaptée à l’évolution de la situation,
cherchant surtout à ne pas perdre prise alors que les événements
s’enchaînaient à grande vitesse. Mais il faut souligner que ce
pragmatisme ne l’a pas empêchée de toujours respecter une hiérarchie
relativement nette de ses objectifs.

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En Libye
Concernant le « printemps arabe », ces priorités se répartissent en trois niveaux distincts :
  • Le niveau global : la Russie détient
    une part de responsabilité pour la préservation de la sécurité globale
    et régionale du fait de son statut de membre permanent du Conseil de
    sécurité de l’ONU et de sa participation au
  • « Quartet » pour le Proche-Orient et aux négociations « 5+1 » avec l’Iran ;
  • Le niveau régional : la Russie
    souhaite protéger ses intérêts historiques dans la région et conserver
    des relations développées avec les pays arabes et Israël dans les
    domaines politique, commercial et économique, militaro-technique,
    culturel et humanitaire ;
  • Le « troisième panier » : la Russie
    soutient les réformes démocratiques dans le monde arabe, vues comme un
    élément du processus global de la démocratisation des États souverains.

On peut facilement constater que les autres grands acteurs
internationaux – États-Unis, Union européenne, Chine – élaborent eux
aussi leur politique étrangère en fonction de ces mêmes groupes de
priorités, même s’ils les interprètent et les hiérarchisent
différemment. Par exemple, pour les Américains, la démocratie et les
droits de l’homme (le « troisième panier ») sont généralement
prioritaires non seulement par rapport à la souveraineté des États mais
aussi, parfois, par rapport à la responsabilité globale de Washington.
Les Européens, comme le cas libyen l’a récemment illustré de manière
éclatante, font souvent passer les considérations relatives à leur
responsabilité internationale. Aussi paradoxal que cela puisse paraître,
cet impératif de la réflexion géopolitique datant de l’époque
soviétique a poussé les pays occidentaux à considérer notre position
comme relevant de l’obstructionnisme par rapport à leur politique. Sans
doute estimaient-ils qu’eu égard à ses incontestables problèmes
internes, à ses réformes inachevées et à la réduction drastique de sa
présence militaro-stratégique dans le monde, la Russie allait se montrer
plus coopérative. Mais nous avons suivi notre propre voie, refusant de
nous impliquer dans ses actions susceptibles de provoquer des
changements de régime. Moscou a appelé à un respect inconditionnel de la
souveraineté des États, à la non-ingérence et au règlement des conflits
par le dialogue. Cette attitude a été interprétée par les autres
acteurs d’abord comme la résurgence d’une logique néo-impériale, puis –
en Syrie – comme une tentative de conserver à tout prix la mainmise
russe sur le marché de l’armement.

le cas de la Syrie
Lutte armée en Syrie

Cependant, c’est grâce à la détermination russe que la situation,
spécialement en Syrie, a pu rester dans les limites de la rationalité.
On peut même prendre le risque d’affirmer que l’ « opposition
constructive » incarnée par la Russie et la Chine a apporté une qualité
nouvelle aux interactions collectives dans les affaires de la région.
Les débats du Conseil de sécurité et les polémiques avec les
représentants de diverses fractions de l’opposition syrienne ont
constitué autant de pas concrets faits dans la direction d’une
démocratisation des relations internationales.

Viribus Unitis

Puisqu’ils font des interprétations différentes des problèmes qui
surgissent au fur et à mesure du déroulement du « printemps arabe », les
acteurs extérieurs agissent toujours séparément – et, le plus souvent,
en se faisant concurrence. Non seulement ce manque de coordination
complique et repousse le règlement des conflits mais, en plus, crée un
contexte favorable à la montée en puissance des extrémistes de tout poil
– des djihadistes rejetant les valeurs de la « civilisation occidentale
corrompue » aux activistes d’Al-Qaïda, désireux d’instaurer un califat
islamique mondial.
Prenons le cas de la Syrie. Dans ce pays, c’est la « classe créative »
qui s’oppose politiquement au régime de Bachar el-Assad, mais les
opérations militaires sont conduites par un conglomérat hétéroclite
dominé par les islamistes. Dans le contexte extrêmement tendu de la
guerre civile, Assad avait paru satisfaire les exigences de l’opposition
concernant la démocratisation du pays, et avait clairement indiqué
qu’il était prêt à entamer un dialogue de grande ampleur fondé sur la
plate-forme définie dans le communiqué de Genève. Mais étant donné la
force d’inertie de la lutte armée en Syrie et l’entrelacement des
intérêts des islamistes des pays voisins, on ne voit guère poindre à
l’horizon un règlement de crise centré sur la préservation de la
sécurité régionale et mondiale.

 la lutte armée en Syrie
Lutte armée en Syrie

Par quels facteurs l’expliquer ? Peut-être par le fait que ceux qui
instrumentalisent la démocratie et les droits de l’homme à des fins
politiques refusent d’attribuer le rôle du « pécheur repenti » à Assad,
de même qu’à d’autres symboles du passé soviétique. Peut-être, plus
simplement, par le fait que l’opposition syrienne – qui considère dans
sa majorité les slogans démocratiques comme rien de plus qu’une
obligation conjonctuelle – joue efficacement des divergences existant
entre les acteurs extérieurs…
Si ces questions paraissent tout à fait rhétoriques, leurs enjeux
sont cependant cruciaux. Après avoir patiné en Libye, le « printemps
arabe » s’est retrouvé, en Syrie, à la croisée des chemins. Il est
évident que la suite des événements dépend largement de la façon dont le
conflit sera réglé dans ce pays clé. Se dirige-t-on vers un scénario
« yéménite », ouvrant la voie à un changement de régime dans la douceur,
ou va-t-on assister à la répétition du modèle libyen, qui s’est
accompagné, entre autres, de l’assassinat de l’ambassadeur américain à
Tripoli et d’une « piste libyenne » dans la prise d’otages perpétrée par
des islamistes maliens en Algérie ?
Une chose est sûre : le renversement d’Assad (avec la participation
directe ou indirecte de forces étrangères) faciliterait sensiblement la
tâche des extrémistes qui aspirent à une « talibanisation » du
Proche-Orient. Inversement, l’absence d’ingérence étrangère dans les
affaires syriennes contribuerait au maintien de la situation dans le
champ du droit international et pourrait permettre de rationaliser la
transition de la région de l’autoritarisme à la démocratie.
Mais pour faire la bon choix, les acteurs extérieurs doivent repenser
fondamentalement leur approche des événements se produisant dans le
cadre du « printemps arabe ». Il est impératif d’élaborer un programme
collectif constructif visant à résoudre les problèmes stratégiques, au
premier rang desquels les deux principales menaces susceptibles à court
terme non seulement de déstabiliser la situation au Grand Moyen-Orient
mais aussi d’en faire l’épicentre d’un conflit de civilisations.
Voici les buts qui doivent absolument être atteints.

Premièrement. Empêcher Israël de frapper l’Iran.

La probabilité de l’emploi de la force contre le « régime des
ayatollahs » augmente chaque jour. À l’automne dernier, le Premier
ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré, à la tribune de
l’Assemblée générale de l’ONU, que le programme nucléaire iranien
atteindrait le « point de non-retour » au printemps 2013, et prévenu que
si les ambitions nucléaires de Téhéran n’étaient pas rapidement
contenues, Israël se réservait le droit d’agir seul. Il ne s’agit pas
d’une rodomontade rhétorique, mais d’un avertissement très clair, lancé
au plus haut niveau possible.
L’affaiblissement de la droite israélienne à la suite des élections
législatives de janvier a réduit le risque du recours à la force contre
l’Iran, mais n’a pas suffi à le faire disparaître.

Une chose est sûre : le renversement d’Assad (avec la
participation directe ou indirecte de forces étrangères) faciliterait
sensiblement la tâche des extrémistes qui aspirent à une «
talibanisation » du Proche-Orient

On peut s’étonner de voir un État nucléaire n’ayant pas signé le TNP
menacer un État qui, lui, est partie au TNP et dont les sites se
trouvent sous le contrôle de l’AIEA. Mais pour être irrationnelle, la
situation n’en est pas moins dangereuse. Il apparaît clairement que les
Iraniens ont l’intention de conduire leur programme nucléaire jusqu’à «
minuit moins cinq ». À leurs yeux, c’est le seul moyen de garantir leur
souveraineté. Or Israël n’est pas prêt à coexister avec un Iran
nucléaire – un pays dont les dirigeants ont à de multiples reprises
appelé à la destruction de l’État hébreu. Résultat : la confrontation
israélo-iranienne constitue un sujet de préoccupation de premier ordre
pour le monde entier. Une déflagration risquerait de provoquer une
réaction en chaîne et une explosion majeure.

Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté des sanctions contre l’Iran
Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté des sanctions contre l’Iran

Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté contre l’Iran des
sanctions sans précédent, qui ont déjà commencé à produire leur effet (à
la fin de l’année 2012, les exportations de pétrole de Téhéran avaient
chuté de 40%). Mais jusqu’à présent, cette ligne n’a apporté aucun
résultat politique. La combinaison des sanctions et de la menace d’une
frappe sur les sites nucléaires n’a fait que rassembler les Iraniens
autour du régime. De plus, dans cette guerre des nerfs, il arrive que
les Iraniens prennent le dessus sur leurs adversaires, grâce au large
soutien dont leur droit à l’atome bénéficie au sein du monde musulman et
du Mouvement des non-alignés (une instance dont l’Iran a pris la
présidence en 2012).
La situation paraît bloquée. Trop d’ambiguïtés, certaines
constructives, d’autres beaucoup moins, se sont accumulées dans le
domaine de la dissuasion, si bien qu’il paraît impossible d’espérer
résoudre dans ce cadre le probème posé par le programme nucléaire
iranien.
Il faut également tenir compte des changements qui semblent
s’annoncer dans l’équilibre des forces au Proche-Orient, liés, entre
autres, à l’activisme régional de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe
persique, où les positions anti-iraniennes et anti-chiites sont
traditionellement fortes. Ce facteur engendre des manœuvres dangereuses
et à courte vue, reposant sur le calcul que les sunnites pourraient
soutenir le recours à la force contre l’Iran. Il s’agit d’une illusion
inquiétante mais tout à fait caractéristique d’une perception
superficielle qui s’est formée autour de l’Iran.
Pour conserver la situation sous contrôle, une approche double
s’impose : il convient, parallèlement aux négociations « 5 + 1 »
(auxquelles on pourrait convier la Turquie ou un représentant de la
Ligue arabe), d’élaborer une position commune résolument opposée à un
règlement du problème par la force ; il faut aussi, dans le même temps,
fournir à Israël comme à l’Iran des garanties internationales visant à
apaiser leurs craintes. On pourrait, de cette façon, obtenir davantage
de temps pour élaborer un règlement définitif des questions posées par
la prolifération nucléaire au Proche-Orient, conformément aux exigences
du TNP.

Deuxièmement. Aider les Palestiniens et Israël à relancer le processus de paix sur la base d’une solution à deux États.

C’est le deuxième problème le plus important de la région. Là aussi,
des actions immédiates des pays de la zone et de la communauté
internationale s’imposent. Les islamistes parvenus au pouvoir grâce au «
printemps arabe » vont-ils respecter les accords de paix que leurs
prédécesseurs ont passés avec Israël, y compris les arrangements
informels ? C’est une question essentielle. Le problème palestinien se
trouve au coeur de la conscience nationale des Arabes en général et
spécialement des groupes et partis islamistes. Sa résolution est vue
comme un objectif commun à toute la nation arabe, susceptible sous
certaines conditions d’unir le monde arabe – sunnite et chiite – autour
de l’hostilité envers Israël. Il y a là une menace réelle, même si elle
n’est peut-être pas immédiate. Mais l’évolution du positionnement des
Arabes vis-à-vis du dossier israélo-palestinien constituera également un
révélateur de la capacité de la région à évoluer vers une communauté de
nations démocratiques. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les
processus enclenchés par le « printemps arabe » sont susceptibles
d’aboutir à une résolution heureuse de ce conflit. Citons la fin
relativement rapide, et obtenue sans qu’aucune partie ne perde face, de
l’opération « Pilier de défense », grâce à une médiation efficace de
l’Égypte islamiste ; la tendance à l’adoucissement du blocus de la bande
de Gaza, où le leader du Hamas Khaled Mechaal a pu effectuer une visite
pour la première fois ; ou encore la réaction plutôt pondérée d’Israël à
l’attribution à la Palestine du statut d’État observateur auprès de
l’ONU.

Le problème palestinien se trouve au cœur de la
conscience nationale des Arabes en général et spécialement des groupes
et partis islamistes

Globalement, il semble que des mécanismes jusqu’alors dissimulés aux
regards indiscrets ont été actionnés. La nouvelle administration Obama
envoie des signaux encourageants ; les Français s’apprêtent, à présent
que les élections législatives israéliennes sont passées, à rendre
publique leur propre initiative pour le Proche-Orient ; en Israël même,
Ehoud Barak, Shaul Mofaz et, tout récemment, Tzipi Livni ont appelé à un
déblocage rapide du processus de paix.
Bien entendu, cela ne signifie pas que le nouveau cabinet Nétanyahou
infléchira l’approche radicale du précédent gouvernement de droite à
l’égard de la question des constructions de logements dans les
implantations – une question qui bloque toute relance des négociations
israélo-palestiniennes. Mais, historiquement, les grandes percées du
processus de paix au Proche-Orient (le voyage de Sadate à Jérusalem, les
accords d’Oslo) ont toujours paru surgir de nulle part, de façon
absolument inattendue – en tout cas, pour le grand public. En réalité,
ces progrès sont, chaque fois, venus couronner un travail discret de
longue haleine mené par des experts et des dirigeants politiques ayant
bien saisi l’air du temps.
La situation actuelle est comparable. Le nouveau statut de la
Palestine pose la question des frontières de l’État palestinien. D’un
point de vue politique, continuer d’aller de l’avant est la seule option
possible, car en l’absence de progrès dans le processus de discussion
israélo-palestinien, la région risque fort de connaître une nouvelle
phase de radicalisation. Certaines conditions subjectives sont également
réunies : le match nul politique par lequel s’est achevée l’opération «
Pilier de défense » rappelle fort la situation qui prévalait après la
guerre de 1973, dont Kissinger a brillamment tiré profit pour lancer un
processus qui finit par aboutir aux accords de Camp David et à un traité
de paix entre Israël et l’Égypte.
Pour résumer, la diplomatie a une chance réelle de l’emporter au
Proche-Orient, à condition que les puissances régionales se consacrent
ensemble à la recherche d’une solution. L’objectif principal aujourd’hui
consiste à mettre en évidence les paramètres d’une entente potentielle.
La Ligue arabe s’est dite prête à passer un accord avec l’État hébreu
sur la base de l’initiative saoudienne, dont il faut souligner qu’Israël
ne l’a pas rejetée en bloc. Pour les Palestiniens (y compris le Hamas),
il est fondamental de faire en sorte que leur État dispose de
frontières légitimes. Dans ce contexte, on ne peut pas exclure que le
nouveau cabinet israélien juge qu’il est dans son intérêt de chercher à
élaborer un accord sur les frontières en échange de garanties de
sécurité de la part des Palestiniens et du monde arabe dans son
ensemble.
Le document de base pour des négociations selon la formule « la paix
en échange des terroristes » existe déjà. Il s’agit de la « feuille de
route » de 2003, amendée de façon à intégrer l’ « évolution de la
situation sur le terrain » et, possiblement, l’initiative de paix
saoudienne. Il existe également une instance de négociation créée suite à
l’élaboration de la « feuille de route » : le Quartet international,
auquel il serait logique d’intégrer plusieurs puissances régionales
comme l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Turquie. Ce Quartet élargi
pourrait également fournir un cadre à la discussion sur le statut
définitif de Jérusalem, le droit au retour ou les questions de sécurité.
Une seule réserve : pour qu’un scénario aussi optimiste voie le jour,
il est nécessaire que les acteurs régionaux et internationaux procèdent
à une transformation radicale de leur approche et se réorientent vers
des objectifs généraux, au premier rang desquels l’incorporation
harmonieuse et organique du Proche-Orient dans la communauté mondiale
des nations démocratiques.
Car l’ère du bon sens doit bien finir par survenir un jour dans cette
région. Quand allons-nous comprendre que cette contrée qui a tant
souffert peut et doit passer d’une zone d’hostilité et de conflit à une
plate-forme de construction d’un monde plus juste et plus sûr ? Car
l’autre terme de l’alternative est connu : c’est le conflit des
civilisations. Le virus du djihadisme a déjà sa tâche destructrice.
Seuls les efforts communs permettront de l’arrêter. Viribus unitis.

Piotr Stegni, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, membre du Conseil russe pour les affaires internationales (RSMD)
Le Courrier de Russie

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